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Les tracas d’Anna
Notre histoire se déroule dans une toute petite ville, une toute petite ville dans laquelle vit Anna. Anna a 10 ans et beaucoup de tracas. Il faut dire qu’elle a passé une année plutôt compliquée. Du jour au lendemain, ses parents ont décidé de se séparer. Elle se retrouve maintenant à vivre dans 2 maisons différentes. Mais ce n’est pas tout, elle se retrouve aussi dans une toute nouvelle école avec de nouveaux amis.
Tous ces changements, Anna ne les aime pas beaucoup, elle a souvent eu peur ces derniers mois. Peur que tout change, peur de ne pas aimer sa nouvelle maison, peur de quitter maman pour aller voir papa et inversement. Peur d’arriver dans une nouvelle école dans laquelle elle ne connaissait personne. Et tout cela, vous l’aurez compris, cela fait beaucoup trop de peurs pour une seule petite personne.
Et plus le temps avançait et plus Anna se sentait triste et aussi en colère de ressentir toute cette peur et d’avoir l’impression d’y être emprisonnée. Finalement, ces émotions avaient fini par prendre toute la place dans le cœur et le corps d’Anna. Les autres émotions telles que la joie étaient vraiment à l’étroit si bien qu’Anna ne les sentait presque plus.
Un jour comme les autres, elle se leva pour aller à l’école. Cette petite boule de peur était encore là, Anna s’imaginait encore des tas de scénarios catastrophes qui faisaient grossir cette petite boule jusqu’à ne plus savoir respirer parfois. Et si elle tombait de son vélo sur la route qui mène à l’école ? Et si ses camarades se moquaient encore d’elle ? Et si Madame l’interrogeait et qu’elle se mettait à bégayer ?
Anna tentait de se raisonner, elle entendait la voix de sa maman lui répéter : « Il ne va rien se passer Anna ! », « Que vas-tu encore inventer là ! », « Arrête tes bêtises ! », ou encore, « Il faut que tu sois courageuse Anna », « Il faut que tu arrêtes avec ces histoires ».
Anna prit donc son courage à deux mains comme chaque jour et partit à l’école avec sa petite boule dans le ventre. Elle passa une journée semblable aux autres avec cette boule qui tantôt grossissait tantôt diminuait en fonction de ce qu’elle vivait mais aussi en fonction de ce qu’elle s’imaginait.
A la fin de la journée, Anna était pressée de quitter l’école et de retrouver sa mamie, elle courut dans la cour en prenant soin de sauter au-dessus des flaques car elle craignait d’être toute mouillée. Jusqu’au moment où un garçon de sa classe qui se moquait souvent d’elle la poussa et la fit tomber. Tous les enfants se retournèrent, certains rigolaient, d’autres chuchotaient tout en la pointant du doigt. Heureusement, son amie avait vu la scène de loin et accourut pour la relever.
Anna pleurait parce qu’elle s’était blessée mais aussi parce que cela lui faisait beaucoup de peine de voir de nombreux de ses camarades se moquer d’elle. Elle trouva encore la force de courir vers la sortie et de foncer tout droit dans les bras de sa mamie qui lui demanda aussitôt : « Que se passe-t-il ma chérie ? Tu es tombée ? ». Mais Anna avait du mal à parler car ses émotions l’en empêchaient.
Arrivée à la maison, elle fila dans sa chambre en claquant la porte. Elle se coucha sur son lit et se mit à crier dans son oreiller. Elle sentait la tristesse en elle, elle ressentait de la colère aussi. Elle en voulait à ses parents d’avoir tout changé dans sa vie, elle voulait redevenir comme avant, au temps où tout allait bien et où la joie occupait une place importante dans son cœur.
Pleurer l’avait tellement fatiguée qu’elle s’endormit toute habillée sans avoir mangé mais elle semblait enfin apaisée. Cette nuit-là, elle fit un drôle de rêve, elle se retrouva sur un chemin de terre avec quelques cailloux par-ci, par-là. A gauche et à droite, de nombreuses collines de différentes couleurs avec des arbres et une multitude de fleurs. La vue était magnifique, le soleil brillait, les oiseaux chantaient en chœur, tout semblait paisible. Devant elle, une grande porte en bois mais sans rien autour, pas de maison, juste une porte. Elle décida d’aller toquer à la porte mais quand elle arriva à quelques mètres, celle-ci s’ouvrit toute seule en grinçant.
Une jeune dame l’accueillit : « Bonjour Anna, je m’appelle Rosélia. Nous t’attendions, entre et sois la bienvenue ». Après une petite hésitation, Anna décida d’entrer car cette dame semblait tellement gentille. Elle pénétra dans une immense pièce décorée comme dans les vieux châteaux, tout était en bois sculpté, les fenêtres étaient en vitraux de toutes les couleurs, ce qui donnait à la pièce une dimension magique dès que le soleil brillait.
Voyant qu’Anna se posait mille questions, Rosélia intervint : « Tu dois te demander où tu es.. Et bien te voici dans un lieu très secret, tu ne devras rien révéler de ce que tu vas voir. C’est ici que nous préparons les graines qui deviendront bientôt de beaux petits bébés. »
« C’est une sorte de fabrique à bébés ? », interrogea Anna, pressée d’en apprendre davantage sur cet endroit étrange.
« Oui, c’est tout à fait ça. Suis-moi, je vais te faire visiter ».
Anna la suivit vers une autre porte qu’elle ouvrit, elle vit de longues tables, elle n’en avait jamais vu de pareilles, couvertes d’un nombre infini de petits pots déposés les uns à côté des autres. De nombreuses fées s’affairaient avec leurs baguettes magiques. A chaque sort, un petit nuage de couleur différente apparaissait pour s’évanouir dans les airs quelques secondes plus tard. Les formules magiques résonnaient dans toute la pièce : « Dessinous perfectum », « Sportus topissis », « Emotionum bellum ».
Anna n’en croyait pas ses yeux, la scène était stupéfiante. Rosélia la regarda et lui dit : « Cet endroit existe depuis la nuit des temps, Anna. Nous, les fées, nous avons à cœur d’offrir des cadeaux aux futurs bébés. Notre rôle est de les aider à vivre la plus belle des vies. Une vie pleine de bonheur. Toutes les graines de bébé reçoivent donc un don, certains savent bien dessiner, d’autres savent bien calculer, d’autres encore sont doués pour écrire de beaux textes et poèmes, certains excellent aussi dans le sport qu’ils pratiquent. Mais ce n’est pas tout, nous parsemons également toutes les graines du mélange d’émotions. Les émotions sont, en effet, d’une grande utilité dans notre vie de tous les jours, tu sais. Prenons la tristesse par exemple, elle nous permet de nous poser des questions sur nous-mêmes, sur certaines de nos actions. La joie nous donne de l’énergie, elle nous rend heureux et elle diminue les tensions présentes dans notre corps. La colère aussi est très utile car elle permet de dire que nous ne sommes pas d’accord. Et n’oublions pas la peur qui est nécessaire pour nous avertir d’un danger ».
Anna écoutait attentivement et dit : « Mais je ne comprends pas pourquoi je suis ici ? Pourquoi vouliez-vous me montrer cet endroit ? »
Rosélia poursuivit : « Lorsque nous recevons le message qu’un enfant dans le monde éprouve des difficultés à gérer les émotions que nous lui avons données, le conseil des fées décide d’intervenir. Est-ce que tu as un jardin chez toi Anna ? »
Anna hocha de la tête. Rosélia poursuivit : « Alors, tu as déjà remarqué que quand on ne s’en occupe pas, toutes les plantes poussent comme elles veulent. Et certaines ont naturellement tendance à prendre beaucoup de place. Elles font souvent de l’ombre à d’autres plantes qui ne bénéficient alors plus des rayons du soleil pour pouvoir grandir et qui finissent parfois par rapetisser et dans certains cas même par disparaître ».
Anna fit une pause puis dit : « oui, c’est vrai ! Chez mamie, les courgettes avaient pris tellement de place dans le potager que certains haricots n’ont pas pu pousser correctement ».
« Tout à fait, reprit Rosélia. Et si ta mamie ne s’en était pas occupée, si elle n’avait pas remis un peu d’ordre dans son jardin, tu n’aurais pas pu manger ses délicieux haricots. C’est la même chose à l’intérieur de toi, Anna. La peur a pris une grande place ces derniers temps, ce qui empêche ta joie de rayonner. »
« Je comprends, dit Anna, mais je ne sais pas comment je dois faire pour diminuer la boule que j’ai dans le ventre. Au début, je n’avais que de toutes petites peurs et maintenant, j’ai l’impression que je suis devenue une boule de peurs qui n’arrête pas de grossir ».
« Je comprends ce que tu vis Anna, de nombreuses personnes que ce soit des petits ou des grands vivent les mêmes choses que toi. Mais tout comme ta mamie a remis de l’ordre dans son jardin avec des outils, tu vas pouvoir aussi jardiner à l’intérieur de toi avec des outils qui tu possèdes déjà. L’un des secrets est de vivre le moment présent. Ne pense pas à la suite, à ce qui pourrait t’arriver dans une minute, une heure ou la semaine prochaine. Ne pense pas trop non plus au passé, il est ce qu’il est, tu ne pourras plus le changer. Tu verras, au début, ce n’est pas facile, il faut s’exercer parce que très souvent, on repense à quelque chose du passé ou on imagine ce qu’on pourrait vivre dans le futur. Quand tu sentiras ta petite boule grandir dans ton ventre, prends conscience qu’elle grandit, tu peux l’accepter, elle est là pour une raison. Si tu es en réel danger alors tu pourras agir directement. Mais si ce n’est pas le cas, alors, prends le temps de respirer profondément plusieurs fois puis parle à ta peur. Tu peux lui dire « Ok, je te vois, tu es là pour m’avertir mais ici, à l’instant présent, je ne suis pas en danger, tu peux diminuer petite boule, je n’ai pas besoin de toi maintenant ». Et tu verras que tu te sentiras mieux ».
« Plus tu t’exerceras et plus ta petite boule se fera discrète pour laisser la place à d’autres émotions plus agréables ».
Tout d’un coup, Anna entendit une voix au loin « Ma petite chérie, il est temps de te réveiller ». Anna ouvrit doucement les yeux, son esprit encore rempli de tout ce qu’elle venait de vivre. Elle se leva mais différemment des autres matins, il lui semblait que la joie s’était déjà fait une nouvelle place, elle était heureuse d’avoir retrouvé un peu d’espoir. Elle se prépara pour aller à l’école mais en faisant bien attention de rester dans le présent, quand elle se brossait les dents, elle ne pensait qu’à ses dents. Puis elle partit vers l’école, elle sentit sa petite boule. Elle se répéta alors les paroles de Rosélia, elle respira profondément, imagina son jardin intérieur, prit le temps de parler à sa peur et se remit en route. Elle se concentrait sur ses pas, sur les arbres, les fleurs qu’elle croisait sur son chemin et elle sourit